
ÂMES ERRANTES SUR NOS TROTTOIRS
A la découverte de sa démarche artistique, la simplicité poétique de ses travaux nous a vite interpellé. Aussi bien dans la rue qu’en lieu d’exposition, Milo a su captiver notre attention en développant une pratique de l’art urbain sensible et humanisé. Volumes, couleurs, contrastes et cadrages sont autant d’éléments réfléchis qui donnent force et cohérence aux propositions extérieures. Par un activisme marqué, il investit le territoire sans limite de médiums (ni de hauteur). Toujours en quête de lieux propices, il s’immisce dans le réel pour y remanier nos visions quotidiennes. En lieu d’exposition, cet artiste discret aux pensées oniriques nous offre les souvenirs pérennes de ses actions éphémères. Suite à la labellisation de son projet HOMELESS GHOST, nous souhaitions lui poser quelques questions…
NAU > Quand et comment t’es venu l’idée d’intégrer la sculpture dans la rue ?
MILO : J’ai commencé par l’illustration qui a pendant longtemps été un moyen de développer mes idées. Ensuite j’ai découvert le milieu du graffiti en observateur. La réappropriation de l’espace urbain m’a vite interpelé. Je me suis rendu compte du potentiel qu’offrait l’espace urbain aux artistes. Mes premières interventions dans la rue étaient de la peinture et du pochoir. Je me suis assez vite senti frustré par les limites techniques de la peinture. Il y avait un décalage entre mes envies et la technique en deux dimensions. Il y a six ans j’ai alors envisagé mon travail en volume ce qui m’a ouvert un nombre de possibilités infinis.
> D’où est parti le projet HOMELESS GHOST ?
L’hiver dernier dans mon trajet quotidien, j’ai vu se multiplier la présence de Sans Domicile Fixe emmitouflés dans des sacs couchages (rue et métro). Je me suis aperçu que ces silhouettes jonchant les trottoirs avaient perdu toute attention des passants et avaient fini par se fondre littéralement dans le paysage. Ces sacs se sont alors transformés en mobilier urbain aux regards des gens. En recréent ces silhouettes et en les décalant un peu de leur position initiale, j’ai voulu accentuer le ressentit que j’avais eu…et vider ces sacs de couchage de leur sens premier en mettant l’accent uniquement sur la forme. Le sans- abris dormant dans son sac devient une forme abstraite intégrée aux décors urbains.
> Pourquoi utiliser les sacs de couchage, plutôt que d’autres abris de fortune ?
J’ai utilisé des sacs de couchage car c’est cette image qui m’a marqué en premier lieu dans la rue. Ces sacs m’ont aussi frappés par leur ressemblance aux sacs mortuaires dans lesquels on devine la position des corps à l’intérieur.
> Quelles sont les étapes de créations ?
Pour la fabrication, il s’agit d’un sac de couchage classique dans lequel est placée une silhouette humaine, fabriquée en carton trouvé dans la rue. L’étape la plus importante a été les repérages des lieux. Le but était de renforcer l’aspect esthétique de l’installation pour effacer l’humain du sac couchage en jouant sur le cadrage, la symétrie ou l’histoire du lieu. J’ai essayé de mettre en valeur la forme pour gommer le sens.
> D’où t’es venu l’envie d’exposer les traces de ton projet ?
La retranscription est cruciale dans tous projets d’installation urbaine, elle est le seul témoignage qui restera dans le temps. La photographie m’a permis d’appuyer l’esthétique recherchée du projet en jouant sur des cadrages très définis qui ont été pensés au moment de l’installation. L’objet photographique accentue également une forme de distance avec le sujet. Pour les vidéos, la démarche était de mettre en valeur le contexte. J’ai choisi de faire un plan séquence en plan fixe par installation. Le sac de couchage centré dans le cadre est placé dans un décor urbain dans lequel un élément externe au sac est en mouvement. Le regard étant naturellement attiré par lemouvement, le sujet principal devient alors élément de décor et perd l’attention du spectateur. J’essaye par ces vidéos de retranscrire la sensation de désintérêt en manipulant le regard.
> Qu’est ce que le Label NAU représente pour toi ?
Le label NAU représente un moyen d’archiver des œuvres, des visions et des questionnements sur ce que représente l’art urbain dans une époque donnée. Il permet de figer dans le temps et de promouvoir un mouvement artistique jeune et à mon sens avec trop peu de tribune pour l’accueillir. Il donne un nom et pose une réflexion sur une forme d’art qui a tendance à être méconnu du spectateur.
Propos recueillis le 26 Février 2015 à Paris
EN LIEN AVEC CET ARTICLE
ŒUVRES ⇒ Liste des œuvres enregistrées pour ce projet
EXPOSITION ⇒ Présentation des œuvres expo collective //EVENT 1//
SITE DE L’ARTISTE ⇒ http://www.milo-project.com/