
LES FLÈCHES DE PETITES POUCETTES
Membre proche du Label avant même son existence, l’intégration du projet d’Ysoïe était pour nous comme une évidence. Par des réflexions communes et des échanges réguliers nous avons connu le lancement de ce projet toujours en cours. Avec un regard porté sur l’orientation et la perspective, le rendu psychédélique des œuvres d’Ysoïe nous font découvrir de nouveaux horizons. Par un geste presque minimaliste, ces flèches se transforment en actions poétiques par leur abandon. Marquant son passage de manière éphémère, l’artiste recueille des photographies qu’elle compile ensuite sous forme de Stopmotion. Par cette accumulation d’images, la redondance et la cadence des visuels nous fait découvrir une nouvelle picturalité urbaine. Hypnotique et déstabilisante, nous souhaitions lui poser quelques questions sur sa TRAJECTOIRE Parisienne…
NAU > Quand et comment t’es venue l’idée d’intégrer la rue ?
« Après avoir contribué à la réalisation de plusieurs projets artistiques, qui n’étaient pas miens, j’ai eu l’envie de développer mon propre projet. Grâce à l’expérience du terrain acquise pendant ces années de contribution, j’ai pu enrichir mes réflexions. Aujourd’hui, quand je pose mes flêches, je le perçois comme un ajout de matière dans l’espace. La flèche, par le fait qu’elle soit matériellement concrète, permet de donner une autre dimension. C’est aussi une manière de se démarquer des signalétiques peintes habituellement au sol. Elle évoque la possibilité d’une interaction avec le passant, qui pourra se l’approprier, la récupérer ou même en détourner l’orientation. Comme un petit poucet qui émiette son pain, dès que j’ai posé une flèche, elle ne m’appartient plus. Elle est au paysage de son lieu d’abandon. Ce qu’il me reste de tout ça, c’est le souvenir de ces routes traversées et de ces lieux découverts. Les photographies et le travail que je vais en faire, évoquent finalement chaque fois une part inconsciente de mes découvertes. »
> D’où est parti le projet TRAJECTOIRE ?
Je suis étudiante à Paris et la marche à pied est un moyen de transport que j’utilise beaucoup. Je me suis vite rendue compte que la ville est un espace construit, structuré, avec des chemins et des routes que nous sommes obligés de suivre pour aller d’un lieu à un autre. Ce n’est pas comme à la campagne où nous pouvons traverser le champ, la forêt. Certes les routes sont bien là, mais nous ne sommes pas autant limités dans nos déplacements. Nous pouvons plus facilement décider de prendre la direction que nous voulons pour arriver à notre destination. Je me suis donc interrogée sur la question de la trajectoire, mais aussi des sols et des marquages qui nous donnent plusieurs informations sur l’endroit où nous sommes, et sur la direction que nous prenons. Etant amenée à régulièrement voyager, c’est aussi une manière de constater les différences architecturales d’un pays à l’autre.
> Pourquoi utiliser des flèches?
« La flèche est un symbole de direction universel, j’apprécie ce qu’elle évoque. Elle est utilisée massivement dans toutes les villes, aussi bien sur le sol, qu’aux murs ou en panneaux. Elles sont partout. Elle représente comme une étape avant d’arriver à destination. C’est aussi un rappel que nous sommes dans la bonne direction ou parfois la mauvaise… Un rappel comme une aide, mais aussi comme un rappel à la loi, à la norme. En fait, c’est comme un ordre qu’on exécute, sans autres options possibles : vous devez passer par là pour arriver ici. C’est finalement une tentative de réappropriation du territoire. Même si la destination finale reste en soit inconnu, ces lieux de passages représente une part de construction personnelle pour chacun d’entre nous. Découvrir de nouveaux lieux nous amène à nous découvrir. »
> Quelles sont les étapes de créations ?
La première étape est la construction des flèches. Elles sont fabriquées en carton compressé car c’est un matériau fin et rigide mais assez lourd pour ne pas s’envoler. Je compte une centaine de flèches par session. Une fois découpées, je les peints en blanc. La seconde étape consiste à la mise en place des flèches sur le sol du terrain arpenté. Lors de déplacement, dans des zones alors connues ou inconnues, je vais d’un point A à un point B. Et sur tout le long de mon trajet, je dépose mes flèches, le plus souvent sur la route mais aussi sur les trottoirs ou tout autres endroits où le passage est possible. A chaque flèche posée, je prends plusieurs photos avec un cadrage similaire : Flèche centrée en bas de ma photo, je capture le sol mais aussi l’horizon. L’étape finale est la création du stop motion, j’utilise toutes les photos que j’ai prise, sans tri ni réorganisation. L’enchaînement des images nous plonge alors dans une espèce de flash-back subliminal…
> D’où t’es venu l’envie d’exposer les traces de ton projet ?
En soi, laisser mes flèches dans la rue ne représente qu’une étape du projet. A mon sens, c’est la création de la vidéo qui met en forme et fait la force du propos. De plus, l’exposition permet une confrontation à la critique par l’interprétation et le ressenti des spectateurs. C’est à ce moment là que le projet ce concrétise réellement pour être diffusé dans le temps. L’action in situ est indispensable, mais elle n’est pas suffisante pour évoquer l’ensemble de ma démarche.
> Qu’est ce que le Label NAU représente pour toi ?
La Label NAU est pour moi une première chance d’exposer mon travail. Mais c’est aussi l’opportunité de se faire comprendre, de donner de la valeur à mon projet. Le label recherche des jeunes artistes qui valorisent la retranscription de projets urbains et éphémères. Ces caractéristiques collant parfaitement à ma démarche, il me paraissait donc important d’accepter l’intégration de ma TRAJECTOIRE Parisienne dans le fond NAU.
Propos recueillis le 13 Novembre 2015
EN LIEN AVEC CET ARTICLE
ŒUVRES ⇒ Liste des œuvres enregistrées pour ce projet
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